Des activités de la semaine, du Plancher de Jeannot, des percutantes éditions Blast, et d'une parodie de Balavoine
En vrai j’aimerais dormir
La fatigue est extrême et Bardella numéro un des ventes. La vérité c’est que j’adorerais toucher le fond de la piscine tranquille le chat, rapport à j’en peux juste plus, mais le réel ne semble pas d’accord. Mais alors pas du tout. Pourtant je n’aspire qu’à jouer à Civilization devant Gossip Girl. Oui oui Gossip Girl, la série sur la jeunesse dorée de Manhattan avec le méchant qui joue mal, 6 saisons, 121 épisodes, 2007. Les robes sont formidables, les accessoires divinement importables ailleurs que dans une série américaine et dans la saison 3 les Sonic Youth jouent Starpower en version acoustique pour le mariage de Lily et Rufus. J’ignore néanmoins totalement ce que vous pourrez faire de cette information.
Activités de la semaine qui s’achève enfin
Ces derniers jours ont été consacrés à la finalisation de livres qui sortiront plus tard. On boucle les épreuves de Sans oublier qu’en plus c’est bien la fin du monde, le recueil de poésies qui sera publié en mars au Castor Astral. Lydie Salvayre a fait la préface, j’ai choisi les couleurs de la couv, je suis contente comme tout. Il y a six parties dedans, j’ai classé les poèmes par thématiques, genre Aucune épiphanie ne divertit du deuil ; Et de nos prédateurs nous nous ferons des manteaux ; Mon ventre m’appartient tout autant que mon cœur. Il y a aussi une série de sonnets qui racontent ma collecte de rêves quand j’étais artiste associée au FRAC de Grenoble, des poèmes en miroir à mon roman Pauvre folle et les paroles de mes deux disques. J’ai assez hâte, j’avoue.
J’ai aussi achevé les dernières retouches de Lilith & Cie, la phase finale de ma résidence à la librairie La Régulière autour des figures mythologiques féminines. J’en ai gardé neuf pour le livre, enfin neuf dont un pluriel :Lilith, Circé, Héra, Médée, Artémis, Cassandre, Pandore, les sirènes et Buffy Summers. Chacune raconte son histoire à celles qui les écoutent aujourd’hui, ce sont des monologues poétiques. Lilith & Cie aura un côté beau livre, au sens de joli objet : les illustrations sont de Pénélope Bagieu. Je ne peux rien vous montrer, la publication c’est octobre 2026, mais elle m’a fait des petites merveilles sublimement adorables mais pas que, à l’encre et aux pastels. J’ai poussé des hurlements suraigus en les recevant tant fut violente la pâmoison.
Avec Benoist Bouvot Esté, nous avons déjà présenté Lilith, Médée et Circée. Lilith en son histoire va dans quelques temps sortir en vinyle, sur le label Akufone. Ce sera François Alary qui fera la couv du disque. François Alary, c’est le duo Dévastée, avec Ophélie Klere. On travaille ensemble depuis 2008, c’est François qui dessine tous mes visuels. C’est aussi avec lui que j’ai fait par 64 fois j’y ai cru, le plus joli livre de toute ma biblio sorti aux éditions de L’Ogre il y a peu.
Un artefact à voir tant qu’il est encore temps
Je vais le 10 janvier passer ma nuit au musée d’Art et d’Histoire de l’Hôpital Sainte Anne pour le livre, l’exposition qui s’y tient s’arrête le 18 janvier. L’invention d’une écriture met en regard des œuvres d’un tas d’artistes avec le fameux Plancher de Jeannot. Jeannot, c’est Jean Crampilh-Broucaret, né en 1939 dans une ferme du Béarn ; il a vingt ans quand il effectue son service militaire en Algérie, pendant la guerre d’indépendance. À son retour, en 1959, il apprend que son père s’est pendu. La ferme périclite, Jean y fait ce qu’il peut, avec sa sœur Paule et sa mère. Le trio se coupe peu à peu du monde, Jean est psychiquement très fragile, armé d’un fusil il tire sur tout ce qui s’approche de la ferme. En 1971, la mère meurt. Il semblerait que dès lors, Jean dévisse pour de bon. Durant plusieurs jours, il tente de réchauffer le cadavre de sa mère devant la cheminée, puis refuse de se séparer du corps. Il obtient l’autorisation de l’enterrer sur la propriété familiale, choisi de faire reposer sa mère à la maison, sous l’escalier. Il s’enferme dans sa chambre à l’étage, où, reclus il grave sur le plancher en chêne un message sibyllin à l’aide d’une perceuse et d’un ciseau à bois. Il a trente-trois ans et s’y laisse mourir de faim début 1972.
En 1993, Paule décède, la ferme est mise en vente et le plancher découvert. Un brocanteur le montre à Guy Roux, un neuropsychiatre de Pau, qui l’acquiert et le fait connaitre à la communauté scientifique. En 2001, le laboratoire pharmaceutique Bristol-Myers Suibb rachète le plancher, qui a participé entre temps à de nombreuses expositions, et fait son entrée officielle dans le patrimoine de l’art brut. C’est une œuvre très étrange, qui génère beaucoup d’interprétations infiniment trop personnelles au goût de la directrice du musée. J’ai besoin d’un peu de temps pour creuser et me faire mon opinion. Mais si vous voulez voir le plancher, le musée est dans l’enceinte de l’hôpital, à quelques mètres de l’entrée située au 1 rue Cabanis, dans le 14e.
De la poésie engagée pour créer des émeutes dans la bibliothèque
En fait ça fait deux jours que je repousse la rédaction de cette newsletter parce que je n’arrive pas à remettre la main sur un livre qui m’a vraiment impressionnée, et dont je voulais recopier des extraits. Pourtant mon bureau-salon est minus, j’ai tout retourné, c’est à devenir maboule. Il s’agit de La chambre aux scellés de Florence Rivières, publié aux éditions Blast. Sur la carte de la République bananière des Lettres, les éditions Blast se trouvent au fond du maquis, au croisement du sentier qui mène à la Cité d’améthystes et Queerland, là où l’antiracisme est un enjeu concret. C’est une maison très engagée et leur catalogue est dément. Luz Volckmann, Ananda Brizzi, Al Baylac, Pauline de Vergnette, Miel Pagès, Karima Ouaghenim, beaucoup d’auteurices à suivre de très près. Vous pourrez d’ailleurs écouter Luz Volckmann le dimanche 25 janvier à 18h à la Maison de la Poésie, lors de la première cession de ma petite heure poétique dominicale mensuelle. Elle sera avec Philippe Savet et Héloïse Brézillon, je vous en parlerai bientôt.
La chambre aux scellés est un recueil poétique fragmentaire, qui retrace les conséquences d’une relation d’emprise, violente jusqu’au viol conjugal. Une plainte ayant été déposée, le parcours judiciaire ponctue ce texte elliptique comme l’est la mémoire traumatique. Ça a raisonné très fort en moi, surtout ces vers que j’avais notés avant d’égarer le livre : « je ne comprenais pas ta langue / je ne savais pas qu’en homme cis / « je te ferai du ma »l / se dit « je t’aime » ». Parce qu’évidemment, oui, Ils appellent ça l’amour. La langue, trouée de blancs, est celle d’un corps qui tente de retrouver son identité et de dépasser l’amnésie dissociative, alors qu’il se heurte à la brutalité des institutions. J’ai vraiment été secouée par ce livre de Florence Rivières, qui va au-delà du Je pour faire parler nos mortes et pousse à briser les scellés de toutes les chambres.
Un autre livre, sorti en 2023 chez Blast, m’avait énormément remusée : Si la rose vient à faner, de Pauline de Vergnette. Un tribunal, entre ses murs un procès pour féminicide. Des voix, qui tour à tour racontent et commentent : le meurtrier, les témoins, les féministes, le journaliste, l’avocat de la défense, le psychanalyste, et autres « témoignages discordants ». Il y a des points noirs qui criblent la parole, je vous recopie le début, c’est « le meurtrier » qui parle :
« Je ne l’ai pas tuée étant donné que ● était-ce vraiment moi ou un autre ● quand j’ai levé les yeux au ciel il était tout pareil ● du bleu du marron gris et de l’automne ● donc ce n’est pas moi qui l’ai tuée car ● ce n’est pas parce que c’est moi que c’est moi. C’est quand j’ai levé les yeux ● était-ce elle ou était-ce moi ● yeux dans les yeux nous avions ● le reflet de l’autre mais pas de moi. Donc quand je l’ai tuée ce n’était pas ● vraiment que je voulais ● c’était la faute à la société ● tout ça parce qu’on m’y avait au-to-ri-sé. Ce qui veut bien dire, si vous permettez votre honneur, que la faute n’est pas la mienne, mais celle du système, à bas le système. Quand je l’ai tuée elle avait des paupières d’aurore et votre honneur ● des haines et des crimes dans son cœur ● bien bien plus graves que moi ● qui l’ai tuée. »
Festivités à venir
Samedi 6 décembre, donc aujourd’hui vu l’heure, c’est la soirée Satan is a bottom, je mixe de la dark wave aux Souffleuses avec Lucette et Fennec Jackal. 22h30 – 5h. Les Souffleuses c’est un bar queer hypra chou dans le Marais, au 7 rue de la Verrerie. Il va de soi que je ne retrouve plus non plus ma clé USB et que je n’ai pas encore sélectionné tous les morceaux du set. Mais bon, ça va aller. D’autant que je me suis trouvé une tenue rigolote.
La parodie de la semaine
Samedi dernier, avec de jeunes amis écrivains dont je préserverai l’anonymat, nous nous sommes adonnés à mon activité favorite, à savoir parodier une chanson de variété sur le thème de l’édition. Voici donc une version du Chanteur de Daniel Balavoine, que vous ne devez pas hésiter à réécouter pour avoir l’air bien en tête.
J'me présente, j’ai un manuscrit / J'voudrais bien réussir à le publier / Même si l’à-valoir n’est pas grand / Avoir nom en noir sur blanc / Mais pour tout ça il faudrait que j’me trouve un agent
J'suis auteur, j’consigne mon quotidien / Entre Ernaux et La salle de bains de Toussaint / Autothéorie ou roman / Les articles seront flamboyants / J’serais adoubé dans un papier de Kapriélian
Et dans toutes les revues / J'veux qu'on parle de moi / Que mes posts fassent des vues/ Que les likes pleuvent sur moi / Que Laure Adler m’ait lu / Que Trapenard m’ait vendu
Pour les vieux de la Coupole / Devenir une idole / J’veux faire mieux qu’Edouard Louis / Eribon Lagagnerie / Décrocher tous les prix / Être la star de Nancy
Tous les ans j’irai chez Mollat / Les libraires ne jureront plus que par moi / Réassorts chez Interforum / C’que mon éditeur ambitionne / C’est de me faire adapter au cinéma
Et au masque et la plume / J’veux qu’on parle de moi / Analysé rue d’Ulm / Paris VIII, même Lyon III/ Qu’Angot soit convaincue / Qu’à Drouant on m’ait vu
Quand je serai au sommet/ Vendu même au Lidl / J’écrirai un pamphlet / Dont on fera cas d’école / On me mettra hors-jeu / Parce que trop dangereux
À Saint Germain des Près / Je serai ostracisé / Frédéric Beigbeder / Sera le seul à m’parler/ Finalement je ne serai / Jamais Goncourisé
Balançant mes casseroles / Livres Hebdo va m’achever / J’sombrerai dans l’alcool / Façon Nicolas Rey / Le Nobel pas de bol / Faudra y renoncer
Banni par le milieu / J’ferai des chroniques télé / Je défoncerai tous ceux / Qui m’ont excommunié/ J’les rendrai malheureux / En remerciant Bolloré/ J’les rendrai malheureux
à bientôt
chloé
En librairie